Sucre (20-22.06.17), Potosí (23-24.06.17) et La Paz (17-27.07.17)
Questionnez les gens sur leurs vacances en Bolivie, ils vous répondront: on a fait le Sud Lipez, le Salar d’Uyuni, Sucre, la mine d’argent de Potosí, le Huayna Potosí et la Death Road! Nous aurons fait une bonne partie de notre découverte de la Bolivie en vélo, le reste comme tout le monde, ou presque…
Comme un peu de culture n’a jamais tué personne, nous laissons nos vélos à Uyuni et partons en bus visiter Sucre et Potosí, villes coloniales chargées d’Histoire.
À Sucre, en plus d’apprécier la flânerie dans les charmantes ruelles coloniales de la ville, nous nous laissons aller aux plaisirs de la table. Pour bien commencer la journée, nous nous régalons de l’incroyable déjeuner du Kultur Berlin, auberge de jeunesse de très bon rapport qualité-prix, où nous nous payons le luxe de renier les dortoirs toussotants pour la modique somme de 10 CHF/pers. Puis nous arpentons les cantines et marchés afin de goûter à la cuisine locale et surtout aux jus de fruits savamment préparés par des femmes souriantes comme Silvia. Finalement en fin d’après-midi lorsqu’un petit creux se fait sentir, nous nous rendons à la boutique de chocolat Para Ti pour un délicieux chocolat chaud, voire froid. Vous l’aurez compris, nous prenons du bon temps. Il fait doux jusqu’au soir, les arbres ont repris leurs droits et les rues invitent à s’y perdre sans autres obligations que d’apprécier l’architecture et les murs blanchis à la chaux. Sucre est aussi le berceau de l’Indépendance bolivienne et les musées de qualité jouxtant la place principale nous en apprennent plus sur les parcours de Simón Bolívar et son ami Antonio de Sucre, libérateurs de l’Amérique du Sud.
A Potosí, l’ambiance est tout autre. Si la ville est toute aussi jolie en son centre, l’intérêt majeur reste la mine d’argent du Cerro Rico (montagne riche), surplombant la ville de 700 mètres. Chaque habitant a un lien plus ou moins proche avec cette montagne, théâtre de nombreuses ignominies et aujourd’hui toujours exploitée dans des conditions moyenâgeuses. La ville de Potosí fut fondée en 1545 par les Espagnols afin d’extraire l’argent du Cerro Rico. À partir de 1800, on estime que les ressources en argent sont épuisées, mais les locaux continuent à travailler à la mine, détenue aujourd’hui par des coopératives. Chaque nouveau travailleur paye à la coopérative un droit d’exploitation et peut choisir une « parcelle » qu’il exploite en tant qu’indépendant. Si la chance lui sourit, l’argent trouvé lui appartient. On apprend qu’un mineur gagne en moyenne 50 BOB par jour (environ 9 CHF), ce qui est encore loin d’être le jackpot, même en Bolivie. A Potosí, la découverte de la mine fait partie des incontournables et chaque hôtel ou agence propose, à peu de chose près, la même visite. Une fois l’équipement reçu, nous faisons halte au marché des mineurs où il est possible de se procurer dynamite et alcool à 96 degrés à petits prix. Il est d’usage que les visiteurs achètent différents présents à offrir aux mineurs rencontrés sur place, ce que nous faisons. Emmenés par notre guide, aussi mineur à temps partiel, nous entrons dans la mine par un minuscule boyau et longeons l’unique voie ferrée jusqu’à une représentation de Jésus. Placé à l’entrée de la mine, il permet aux mineurs de déposer leurs soucis de l’extérieur et de travailler en toute sérénité le reste de la journée. A l’intérieur, la terre est basse et nous avançons courbé en deux, attentifs aux va-et-vient des mineurs et de leurs wagonnets lourdement chargés, qu’il faut laisser passer en se plaquant contre les murs des souterrains. N’ayant qu’une voie à disposition, la priorité est donnée aux wagons qui descendent plein à rabord de minerais d’un poids d’environ 2 tonnes tandis que les wagons vides (d’un poids de 400 kg) sont balancés sur le côté pour permettre le croisement et aussitôt remis en place pour continuer la dure ascension dans cette atmosphère chaude et suffocante. La voie ferrée en mauvaise état et rafistolée de toute part n’arrange rien à la situation. Nous déambulons ainsi dans les nombreux couloirs, descendons par des échelles aux échelons manquant, passons au dessus de trous béants les pieds sur des troncs d’arbres, les mains sur la roche. La montagne est un véritable Emmenthal. Tellement perforée, qu’on nous dit qu’elle se serait affaissée de 500 mètres depuis le début de son exploitation. Après questionnement, nous apprenons qu’il n’existe aucun plan des nombreuses galeries, le risque de pouvoir connaître où sont les bons filons beaucoup trop grand. Un ingénieur déambule pourtant, une à deux fois par mois pour vérifier la stabilité des installations et exiger certains renforcements… Dernière étape de cette visite complètement folle, notre rendez-vous avec le Tío (l’oncle), sorte d’ami du mineur, à qui l’on donne cigarettes et alcool quasi pur en offrande, pour obtenir des métaux tout aussi purs. Nous ressortons à l’air libre des questions plein la tête: comment est-il possible que les mineurs n’arrivent pas à s’allier pour améliorer ne serait-ce qu’un tout petit peu leurs conditions de travail? Si effectivement la quantité d’argent restante est si infime, pourquoi les mineurs sont-ils prêts à mettre leur santé en danger? Une sacrée affaire!
Pour clôturer cette journée déjà intense, nous nous rendons à la visite guidée de la Casa de la Moneda, où l’on frappait la monnaie à destination de l’Espagne avec l’argent extrait de la mine. Les très intéressantes explications et les ingénieuses machines en bois invitent à se replonger des siècles en arrière au cœur de cette ville d’importance mondiale de l’époque.
Sur fond de musique bolivienne, le bus nous ramène à notre point de départ: Uyuni, où il est temps de retrouver nos bicyclettes.
860 kilomètres plus loin et déjà deux 6000 en poche pour Ivette, Robin et Arthur, nous débarquons à La Paz, ville d’intérêt touristique moins important que ses petites sœurs mais située au cœur de la majestueuse Cordillera Real. Ce qui aurait dû être une halte principalement montagnarde a finalement tourné, dans un premier temps, en battue pour trouver les fameux vaccins nécessaires à la survie d’Arthur. Et oui, comme écrit dans le précédent article, Arthur a laissé traîner son mollet un peu trop près de la gueule d’un chien qui n’a pas du tout apprécié et l’a flanqué d’une griffure et de deux petits trous. La blessure n’est pas grave mais sang il y a… Et vu la tête du chien, rage peut-être aussi… Comme il est bien connu que ces canidés et les cyclistes ne sont pas les meilleurs amis du monde, nous avions pris la sage décision de se faire vacciner avant notre départ! Grand bien nous a pris puisque le vaccin, même s’il oblige à prendre deux doses supplémentaires une fois mordu, laisse un temps de réaction beaucoup plus long, environ 10 jours avant le premier rappel contre 24h sans. Ainsi nous passons notre première soirée tranquillement à la casa de ciclista de Cristian, bien entourés d’autres passionnés de vélo du monde entier et remettons au lendemain la recherche du vaccin, pensant que ce ne serait qu’une formalité. La vérité est toute autre… Nous commençons par demander dans une clinique… pas de vaccin! On nous envoie au centro de salud de la Croix Rouge. Eux ont bien un vaccin, produit par le gouvernement bolivien, d’un autre principe actif que le nôtre et, ce que nous apprendrons plus tard, déconseillé par l’OMS… Selon eux, il est possible de se procurer le vaccin qu’il nous faut en pharmacie. Là on nous dit qu’ils n’en ont plus. La deuxième non plus, etc… Dans la cinquième, on nous explique enfin qu’il ne sert à rien de chercher car le vaccin ne leur a plus été livré depuis des mois… Nous sommes dans une impasse! Le lendemain, alors que nous nous rendons chez Ricky, un ami de la famille Thévoz, l’idée de se faire parvenir les doses du Chili émerge. Une de ses amies est actuellement soignée à Santiago (suite à un accident de vélo provoqué par un chien, ça ne s’invente pas!) et revient dans deux jours. Si nous réussissons à lui faire parvenir le précieux médicament d’ici là, elle accepte de l’emmener avec elle. L’affaire semble presque close. Sur internet, de nombreuses pharmacies chiliennes indiquent vendre le vaccin. Nous écrivons à nos amies Daniela et Tania qui acceptent de nous rendre ce service sans s’imaginer qu’elles y passeront la journée… Très vite Daniela s’aperçoit que seul un laboratoire pharmaceutique détient les vaccins, mais sans ordonnance ils refusent de les lui vendre, argumentant que de toute façon ceux-ci ne sont pas autorisés à passer la frontière. La tête bien sur les épaules, elle appelle la compagnie aérienne, réussit à convaincre le labo, puis file à Western Union récupérer l’argent que nous lui avons versé et retourne chercher les vaccins juste avant la fermeture. Cette dernière heure nous a semblé une éternité… Le paquet est imposant. Les vaccins, qui doivent rester entre 2 et 8 degrés (comme le dulce de leche) est emballé dans une boîte en sagex réfrigérée. Cecilia, qui se déplace en béquilles, prend peur mais trouve finalement un arrangement avec son chauffeur de taxi. Ouf! Ne reste qu’à passer la douane… Pour une fois sans problème! Merci Daniela, Tania et Cecilia. Maintenant vous connaissez tout de la saga « vaccins »!
Quatre jours ont déjà passés et nous n’avons gravi aucune montagne, uniquement profité de quelques bons cafés. Il est grand temps de se bouger! Un tour au magasin du Grison Christian Menn, loueur de matériel préféré des guides de La Paz, et nous voilà fin prêts pour l’ascension du Huayna Potosi (6088m). Après une nuit d’âpres combats avec Morphée au refuge situé à 5250 mètres, nous laissons les nombreux groupes prendre de l’altitude avant de nous élancer à leur suite à 3h du matin. L’altitude se fait bien sentir mais nous avançons au rythme des escargots et arrivons bientôt au pied de l’arête sommitale. Les guides redescendent gentiment, encadrant leurs brebis souvent inexpérimentées, nous laissant en tête-à-tête avec le sommet et sa vue à 360 degrés s’étalant du lac Titicaca à El Alto, quartier de La Paz encore situé sur l’Altiplano en passant par les Yungas, derniers reliefs avant l’Amazonie. Grandiose!
De retour à La Paz, Arthur file à la clinica alemana recevoir sa deuxième piqûre pour en finir une fois pour toute avec cette histoire…
Il nous reste 3 jours à La Paz avant de reprendre la route en direction de Cusco: que faire? Une deuxième balade en montagne nous titille, mais nous avons encore si peu profité de la vie urbaine que nous décidons de rester à La Paz. Nous aurons encore l’occasion de profiter de l’air pur des montagnes et des campagnes au cours des prochains mois. Là, sonne alors la fin de notre aventure avec Robin et Ivette. Nous fêtons ça en grande pompe au Gustu, gastronomique très couru de la capitale, galamment invités par Robin. Les mets accompagnés de leur breuvage, les explications enflammées du maître d’hôtel danois, les discussions animées et les rires font de cette soirée un moment inoubliable.
Pendant que Robin et Ivette s’en vont pour le Chachacomani, nous arpentons enfin la ville en touristes, découvrons la jolie place Murillo, les environs de la ruelle Jaen et l’architecture soignée de leurs bâtisses coloniales, prenons le téléphérique et profitons de la nourriture variée des cafés inventifs rencontrés sur notre passage. Influencés par les autres cyclistes de la casa nous prenons aussi rendez-vous avec la fameuse Death Road. Cette route à flanc de coteau part de la Cumbre (environ 4660 mètres), un col désertique au dessus de La Paz et descend sur 60 kilomètres jusqu’aux Yungas verdoyants à environ 1100 mètres. Pour une fois, nous laissons le soin de l’organisation à une agence et ainsi profitons d’un VTT tout suspendu pour cette longue descente. En petit groupe, puisque seul Paul-Samuel, un franco-américain, complète notre équipe, nous avançons rapidement, uniquement ralenti par les multiples photos de notre guide Albaro. Heureusement celui-ci se rend rapidement compte que les photos ne nous intéressent pas outre mesure. Nous, nous voulons descendre! C’est donc à toute allure que nous parcourons cette route escarpée construite durant la guerre du Chaco (années 30) par les prisonniers paraguayens. Bouquet final: nous prenons un raccourci en single trail sous l’œil ravi d’Albaro.
De retour à La Paz, il ne reste qu’à paqueter nos douze sacoches et dire au revoir à la fine équipe de la casa de ciclista!
Sarah | 22 août 2017 | Andahuaylas | Kilómetro 13’280
Merci pour ces derniers articles et les magnifiques photos qui les accompagnent ! Vous alliez les deux roues et les crampons avec une facilité déconcertante, sans oublier l’exploitation d’une filière internationale inédite pour les soins médicaux ! Bonne suite de voyage. Je vous embrasse. Barbara
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