Punta Arenas (13.02.2017) – Ushuaia (23.02.2017)
1520, Magellan et ses potes découvrent le passage reliant l’Atlantique au Pacifique, au nord de la Terre de Feu. Baptisé dans un premier temps Estrecho de Todos los Santos (détroit de Tous les Saints), le détroit portera ensuite son nom. L’expédition comporte cinq vaisseaux (Trinidad, San Antonio, Concepción, Santiago et Victoria) et 237 hommes. Seule la Victoria et 18 hommes (plus 12 autres marins dans un second temps, retenus prisonniers au Cap-Vert) boucleront le tour du monde et reviendront en Espagne après 3 ans de voyage.
2017, Sarah et moi embarquons sur le ferry Pathagon pour la traversée du fameux détroit. Au loin, quelques jets d’eau de baleines disparates. J’espère que nous reviendrons à deux. 😉 Quant à la durée du voyage, on verra bien… Une paire d’heures plus tard, nous atteignons la Terre de Feu à Porvenir. Le plan est simple: profiter au maximum des routes secondaires et s’en mettre plein la vue d’ici à Ushuaia.
Après une heure de route seulement, nous croisons un bus VW aux plaques schwytzoises. Martin et Claudia (viaje.ch) s’arrêtent, les discussions vont bon train! Utilisant le bus comme paravent, nous palabrerons plus de deux heures au bord de la route, au milieu de nul part, avec café et biscuits. Puis on se remet en selle, la tête en pleine ébullition. C’est toujours particulier de croiser des Suisses, voyageurs au long cours. En général nous nous trouvons beaucoup de points communs, les discussions sont très vite personnelles, parfois intimes… On se dévoile sans gènes, on questionne sans retenue, bref de beaux échanges sans enjeux ni spéculations.
On se remet en selle donc, car il y a encore un petit col à finir, à quelques 500 mètres d’altitude. Une piste sinueuse ramène nos corps et esprits au niveau de la mer, plus précisément au bord de la Bahia Inutil. Le but de la journée, un cabanon au bord de la route, est encore à 40 km. Mais la piste est bonne et le vent a favor. Le soleil, déjà bas, nous accompagne jusqu’au dernier kilomètre, avant d’aller se coucher.
Le lendemain nous passons tout d’abord le cap des 6’000 km en guise d’échauffement. Puis nous visitons une colonie de pingouins royaux. Ils sont relativement loin du point d’observation et peu enclins à s’amuser. En outre, l’entrée pour le parc est chère. Mais ils ont le mérite d’être sur notre route et apparement c’est un des rare endroit du continent où l’on peut les observer. Nous continuons notre chemin au sud de la Bahia Inutil, à présent sans vent alors qu’il devrait être contraire. Après une petite pause pour observer les dauphins au loin, nous atteignons le village de Cameron. Nous passerons la nuit dans un arrêt de bus 5 étoiles: bâtiment avec porte, toilettes, eau courante et… chauffe-eau électrique!
Troisième jour, au programme quelques 100 km de piste pour atteindre la frontière chili-argentine, au paso Bellavista. Les kilomètres défilent et les paysages se dévoilent à un rythme assimilable. Pampa désertique, nombreux guanacos et oiseaux, puis vient une lagune reflétant ses flamands roses, ça et là un renard… « Les sangliers sont lâchés, je répète les sangliers sont lâchés. Les petits patrons font les grandes rivières de diamants. Deux fois. (…) » Grâce à notre nouvel haut-parleur, la chanson L’Europe de Noir Désir, peu commune, prend toute son ampleur dans ces grands espaces. Puis les forêts vallonnées du sud prennent le relais, de manière naturelle, sans s’imposer. Un castor traverse la route devant nous, sans stresser. Douane chilienne. Le douanier, en training, disparaît avec nos passeports dans son cabanon. Quand il nous les remet, je lui demande s’il a bien mis le sceau de sortie du pays. Ce n’est pas tous les jours que je donne mon passeport à un type en training! Du côté argentin, l’ambiance est différente. Après avoir passé le contrôle, je demande au douanier si l’on peut camper chez eux. Affirmatif. Vient donc naturellement la deuxième question clef: « et il y aurait aussi la possibilité de se doucher? » La soirée dépassera nos attentes, et de loin! Après la douche, les douaniers nous feront à manger, mettront à notre disposition un bâtiment pour colonies de vacances et pour terminer, nous boirons un maté ensemble, super soirée!
Juste au sud de Rio Grande, nous rejoignons la Ruta 3. Asphalte et poids-lourds sont au rendez-vous. Qu’importe, nous allons l’emprunter pour 5 km seulement. Au carrefour, nous tombons sur deux autres cyclistes. En les approchant, je remarque l’énorme drapeau uranais et les aborde directement en allemand: « ah, zwei Urner! » La surprise retombée, nous échangeons quelques mots. Ils sont partis la veille d’Ushuaia et sont encore très propres, tout beaux et trop neufs! C’est à ce moment-là que surgit Charlie, tel un diable de sa boite! Ancien banquier genevois, c’est tout le contraire de nos deux Uranais: il roule sa bosse en Amérique du Sud depuis deux ans et demi sur sa Suzuki 125 cm3 achetée à Santiago. Spontané, sans retenu, il a adopté depuis longtemps la mentalité locale. Nous l’avons rencontré à la douane argentine et avons donc déjà sympathisé la veille. Parti en vacances pour le Mondial au Brésil, il n’est jamais rentré. Trop content de pouvoir parler français avec nous, il demande aux deux autres en espagnol: « hablan frances? » Avec Sarah on se marre! La discussion a donc inévitablement dérapé en français, et nos deux collègues d’outre-Sarine trouvent dans les gouttes qui se mettent à tomber l’excuse qui leur permet de s’éclipser poliment… Puis nous quittons à notre tour Charlie, qui va faire le plein de tabac et de vin à Rio Grande. Nous sommes partis de Punta Arenas avec 5 jours de subsistance, ce qui devrait suffire jusqu’à Tolhuin.
Fin de journée, nous enchaînons pour 110 km de piste. La pluie nous accompagne. Tout d’abord timide, puis ensuite carrément envahissante. Après 30 bornes, on plante la tente. Le lendemain, les craintes de la veille se concrétisent: la piste comporte des parties de terre bien grasse. Elle colle aux pneus. Le spectre du Maroc nous hante. Un tronçon sera plus long que les autres et nous provoquera un petit coup de stress! La roue avant de Sarah ne tourne plus, la boue fait office de ciment entre le pare-boue et le pneu. Les autres roues sont moins critiques, car j’avais pris soin d’éloigner les pare-boue des roues à Buenos Aires. Il fait 7 degrés, il pleut, mais qu’importe, nous avons l’habitude (pas comme au Maroc quand on pétait de froid par 11 degrés, car nous étions « dimensionnés » pour rouler sous 35 degrés!). On démonte le pare-boue critique et on repart, en espérant qu’il n’y aura plus trop de boue. Car les provisions se font rares… Les 80 derniers kilomètres de piste seront rudes: vent contraire, tôle ondulée, piste collante… Une deuxième nuit de camping sauvage sera nécessaire. Nous plantons sans crainte la tente au bord de la route, car aujourd’hui nous avons vu passer trois voitures en 7 heures… Solitude!
Le lendemain, riz au thon pour le petit déjeuner, car on adore ça! Non je rigole, c’est tout ce qu’il nous reste… Nous atteignons à nouveau la Ruta 3, qui nous mènera à Ushuaia. Nous finissons Klug avec joie, le cake magique aux fruits secs, figues, dattes… reçu par poste de Jojo (un énorme merci Jojo!!). A Tolhuin, pause bouffe à la panaderia (boulangerie) La Union. Cette boulangerie est une institution dans le monde des cyclonautes, car on y trouve non seulement de quoi se rassasier, mais on peut également y dormir gratuitement. Sa réputation est tellement grande, qu’on en avait déjà entendu parler à 1200 km d’ici! Bref on prend le temps de se goinfrer avec qualité et comme le beau est revenu, on décide de faire encore un bout de route. 3ème nuit de camping sauvage consécutive, mais cette fois avec soleil et vino tinto!
Dernier jour, nous attaquons le col Garibaldi (~ 600m) dans le brouillard. Mais ô joie, le versant sud est ensoleillé et nous profitons pleinement des sommets alentours, fraîchement saupoudrés de neige. Peu avant Ushuaia, pause café. Mais le resto n’ouvre qu’à 11h30. En attendant, nous partageons expériences et maté avec le voisin, venu faire rôtir l’asado (agneau à la broche), pendant que le cuistot dort encore. Puis nous donnons des coups de pédales plus australs que jamais pour atteindre Ushuaia…
Arthur | 28 février 2017 | Sur le ferry entre Puerto Natales et Puerto Montt | Kilómetro 6’580





































Yeah, pâtes au thon notre préféré aussi en fond de sac…
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